L'Etranger (1942). Albert Camus

Publié le 25/12/2011 à 18:24 par riziosanmarino Tags : homme vie histoire mort société camus roman amis monde nature livre chien lecture

L'Etranger (1942).  Albert Camus

 

L'Etranger est le premier roman de Camus, mais il fait suite à une première tentative, La Mort heureuse, roman à la publication duquel l'auteur avait renoncé, le jugeant inabouti. C'est en un mois et demi, (1940), comme "sous la dictée", que Camus rédige le premier jet de l'Etranger. Le roman est publié en 1942 - donc en pleine guerre -, la même année que Le Mythe de Sisyphe, essai consacré à l'absurde.

 

Les six chapitres de la première partie du roman s'ouvrent sur la mort de la mère de Meursault, le narrateur. Peu après l'enterrement, ce modeste employé algérois retrouve une ancienne connaissance, Marie, qui devient sa maîtresse. Outre le vieux Salamano, qui bat son chien, Meursault a pour voisin un souteneur, Raymond Sintès, auquel il rend service. Bientôt impliqué dans les bagarres de Raymond contre des Arabes, Meursault tue l'un d'entre eux. Commence alors la seconde partie du livre : cinq chapitres détaillant le procès de Meursault jusqu'à sa condamnation à mort. Le sens du livre tient exactement dans le parallélisme des deux parties, déclarait Camus. La première nous présente la vie de Meursault jusqu'au meurtre, la seconde sa vie après le meurtre : nous passons ainsi de la vision d'un homme libre et innocent à celle d'un accusé bientôt déclaré coupable.

 

La profondeur de ce roman ne tient pas seulement à l'opposition entre la première partie, qui prend la forme d'un journal, et le violent plaidoyer du dernier chapitre, qui révèle de la métaphysique et de la morale. Dès la première partie, en effet, Le narrateur, Meursault, n'apparaît pas seulement  comme un être différent, relativiste, abstentionniste : il nous est aussi présenté comme un hédoniste qui communie avec le monde : il a des amis, une maîtresse, il aime les plages et le soleil d'Alger. Son étrangeté vient de ce que, sous son apparente amoralité, il est animé par une farouche passion de l'absolu et de la vérité. C'est la franchise de ses réponses au juge qu'il fait qu'il mourra.

C'est par le style que Camus nous restitue l'ambivalence du personnage.

L'écriture est a priori "non littéraire" : refus de l'ornementation, phrases courtes et juxtaposés, syntaxe simple, passé composé préféré au passé simple font qu'elle s'apparente au style oral. La technique de la narration tient d'une approche psychologique alors que l'histoire est racontée par un je. D'où cette remarque : le je de l'Etranger est plutôt un il.

D'où encore cette explication de Sartre sur la méthode de Camus : "entre les personnages dont il parle et le lecteur, il intercale une cloison vitrée" qui est la conscience de Meursault : ainsi le monde des hommes apparaît-il absurde, Meursault étranger, et ses actes inconséquents.

Toutefois, l'écriture n'est pas sans lyrisme. Surtout lorsqu'il s'agit d'évoquer le bonheur sensuel ressenti au contact de la nature, les sensations éprouvées au contact du sable et de l'eau, la lumière du soleil.

Enfin, la structure même du roman invite à la réflexion. Le lecteur de la première partie tend à peser la culpabilité de Meursault, à établir un enchaînement logique entre ses actes. Mais il est amené à s'interroger sur sa propre lecture, lorsqu'il voit les juges et le procureur pousser cette reconstitution jusqu'à l'absurde...

Conclusion : la société a besoin de gens qui pleurent à l'enterrement de leur mère, écrit Camus.

Ou bien : On n'est jamais condamné pour le crime qu'on croit.

D'ailleurs, je vois encore dix autres conclusions possibles,ajoute-t-il.

Le dernier chapitre donne au je une dimension littéraire supérieure en accédant à la réflexion philosophique sur le destin d'un homme parmi les hommes...