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pour des raisons techniques liées au blog de rizio sanmarino (et ce depuis mi-août) les messages post
Par Note des éditions , le 27.10.2010
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· L'Etranger (1942). Albert Camus
Date de création : 17.08.2010
Dernière mise à jour :
25.12.2011
16 articles
Etrange destin que celui d'Albert Camus, qui semble avoir préparé ou annoncé dans chacune des phrases de son œuvre le hasard de sa propre fin...
Dépêche du journal le Monde, ce mercredi 6 janvier 1960 :
C'est l'hiver, il fait froid. Un vent vif cingle vos joues. Vous entrez dans un café. Vous vous asseyez sur la banquette de moleskine rouge sombre. En attendant le garçon, vous ouvrez votre journal, et vous n'en croyez pas vos yeux ! Vous lisez :Lundi 4 janvier 1960. Route Nationale numéro 5, entre Sens et Fontainebleau : Albert Camus est tué dans la Facel Vega conduite par Michel Gallimard. Il avait quarante trois ans.
Albert Camus mort ?
Mais, comment, que s'est-il passé ?
C'est tellement absurde, oui, absurde. Et vous vous rappelez : l'absurde ! Le thème de prédilection d'Albert Camus. Son roman, L'Étranger... Cette première phrase que vous connaissez par cœur : Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas...
L'Étranger ! Meursault qui se raconte, qui décrit sa vie monotone à Alger. On le dirait étranger à tout, rien n'a de prise ou d'emprise sur lui, pas même l'amour de Marie qu'il rencontre au lendemain de l'enterrement de sa mère. Tout lui est égal. Il est absent de sa propre scène, du théâtre de ses jours. Et puis voici qu'une bagarre éclate sur la plage. Le pistolet de celui qu'il défend, Raymond Sintès, (sa mère s'appelait Catherine Sintes) se retrouve dans ses mains. La bagarre terminée, Meursault s'en va, puis revient sur les lieux : il croit voir une lame briller dans le soleil, alors il tire, trois fois, quatre fois.
Meursault vient de tuer. Son procès a lieu. Il est condamné à mort. Alors il s'éveille à la vie, se révolte face à l'absurde. Il est sûr d'avoir été heureux, puisqu'il est encore vivant. Mais il est bien tard. Car l'absurdité est au pouvoir, partout : l'innocent Meursault est devenu un meurtrier sans raison, par hasard, sans le vouloir. Il va subir la peine de mort, autre absurdité...
Mort Camus...
Camus en pensées ?
- J'ai une patrie : la langue française
- La passion la plus forte du XX° siècle : la servitude.
- Il n'y a pas d'amour sans désespoir de vivre.
- L'homme est du bois dont on fait les bûchers.
- La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent.
- La mort n'est rien. Ce qui importe, c'est l'injustice.
- L'absurde, c'est la raison lucide qui constate ses limites.
- La vérité jaillira de l'apparence injustice.
-Tout refus de communiquer est une preuve de communication ; tout geste d'indifférence ou d'hostilité est appel déguisé.
Camus est en l'air :
La rencontre de Jean-Paul Sartre et de Camus, en 1944, est pleine de promesses. Sartre écrit de son nouvel ami qu'il est l'admirable conjonction d'une personne et d'une œuvre. Bien ! Mais lorsque Camus publie, en 1951, l'homme révolté (inspiré de Paroles d'un révolté et de La Conquête du Pain de Pierre Kropotkine), où il condamne le marxisme qu'il accuse de totalitarisme, l'équipe de la revue des Temps modernes se déchaînent. Jean-Paul Sartre qui la dirige écrit : Camus n'est ni de droite, ni de gauche, il est en l'air !
Les démêlés entre les deux hommes agitent durablement le petit monde germanopratin (c'est-à-dire de Saint-Germain-des-Prés, cœur de la vie littéraire, à Paris). Ils ne se réconcilieront jamais.
Les héros ordinaires de Camus :
En 1947, Camus publie son deuxième roman : La Peste. Il s'agit d'une chronique fictive, tenue par le Dr Rieux, sur la propagation de l'épidémie de peste à Oran, dans la décennie des années 40. Le lecteur comprend ainsi, dès les premières pages, que la peste n'est pas la peste, c'est l'allégorie du nazisme qui a commis ses ravages en Europe et de toutes les oppressions politiques. Point d'ostentation, point de héros brillants ni magnifiques dans La Peste, seulement des héros ordinaires, c'est-à-dire des hommes qui ne marchandent pas leur générosité, qui servent des idéaux à la portée de tout le monde : la paix au quotidien, le bonheur. Le succès du roman - en France et à l'étranger - ne s'est jamais démenti.
L'étrange Clamence:
La crise algérienne atteint Camus au plus profond de ses racines ; il écrit sa douleur dans de nombreux articles. A Alger, il lance un appel à la réconciliation, que personne ne veut entendre. Est-ce cette surdité du monde qui le conduit à publier La Chute ? Cette œuvre, qui prend forme d'un récit, demeure énigmatique : un narrateur, Clamence, réfugié dans la géographie concentrique d'Amsterdam semble vouloir démonter toute la construction idéologique de l'auteur lui-même...
Le cynisme et l'ironie qui se mêlent à sa virtuosité langagière atteignent, par ricochet, le lecteur, qui se sent impliqué dans cette réflexion, étourdi, désarçonné...
Œuvre :
Pour l'ensemble d'une œuvre qui met en lumière, avec un sérieux pénétrant, les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes, tels sont les termes employés par le jury Nobel pour justifier l'attribution de son prix de littérature à Albert Camus, en 1957.
Tout le monde le congratule... ou presque...
Vous êtes toujours assis sur la banquette de moleskine rouge sombre, dans le café où vous vous êtes réfugié pour fuir la bise d'hiver. Le garçon ne vous a pas encore servi. Votre regard se perd à travers la vitre dépolie qui filtre la lumière pâle. Soudain, une phrase vous revient, une phrase lue dans le Mythe de Sisyphe, qui vous avait marqué: Ce qui vient après la mort est futile...
Camus mort ? Non : ses phrases sont vivantes !
Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas...
L'absurde c'est la vie. Et pour la rendre moins futile, il est des hommes qui construisent des œuvres utiles, fussent-elles entachées d'erreurs...